Métropolisation et inégalités

"Le thème des inégalités intramétropolitaines (ou intra-métropolitaines) est devenu un objet important de la géographie depuis les années 1990. Son essor est lié à l’accélération de la mondialisation et de la métropolisation au tournant du XXIe siècle, mais aussi à l’évolution de la géographie : le tournant culturel de la discipline, le renouveau d’une géographie sociale, notamment au prisme de l’habiter, ont contribué à un renouvellement des approches.

Le concept de fragmentation socio-spatiale (fragmentation urbaine) est particulièrement mobilisé à propos des métropoles, et ce d’autant plus que l’espace métropolitain se dilate. Les analyses ne concernent plus seulement le cœur des villes (l’inner city des villes anglo-américaines) et les quartiers de banlieue, mais aussi l’ensemble du périurbain.
Parallèlement, de nombreux travaux portent sur des échelles plus fines (quartier, rue) et montrent que ces inégalités jouent à tous les niveaux : telle rue fera apparaître une discontinuité spatiale entre des espaces paupérisés et des espaces gentrifiés, voire marqués par la présence de gated communities. Dans un autre domaine, les inégalités de genre en ville ont fait l’objet de travaux divers qui révèlent un habiter différent des métropoles.

D’une façon générale, de nouvelles formes d'inégalités ont accompagné le phénomène de métropolisation.
Dans les grandes métropoles, elles se manifestent sous la forme d'une bipolarisation sociale : d’une part les diplômés embauchés dans les fonctions métropolitaines supérieures (finance, gouvernance) et l’économie de la connaissance vivent souvent dans des quartiers huppés ou gentrifiés ; de l’autres, les travailleurs pauvres indispensables au fonctionnement de la métropoles et à l’économie de plateforme, relégués dans des quartiers plus déshérités à forte proportion de nouveaux venus (migrations rurales, immigration) d'autre part.

Dès 1991, Saskia Sassen a plus particulièrement exploré ces incidences de la métropolisation au niveau supérieur de la hiérarchie mondiale, et, allant à contre-courant des théories dominantes sur le développement des classes moyennes éduquées nécessaires au fonctionnement de la société de services, elle montrait que la sociologie des villes globales a plutôt généré « un accroissement de l’inégalité ». Elle précisait : « actuellement les secteurs pilotes engendrent une forte proportion d’emplois à hauts salaires et d’emplois à bas salaires ».
Il ne faut pas, toutefois, exagérer cette polarisation : les analyses récentes montrent que les couches moyennes occupent toujours une place importante, et parfois croissante dans la population et l'emploi métropolitains.

(ST) novembre 2010, dernière modification (SB et CB) mai 2023.

geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/inegalites-intrametropolitaines

 

"La métropolisation désigne le processus de concentration de populations, d'activités, de valeur dans des villes de grande taille. Il peut se faire au détriment de villes de niveau hiérarchique inférieur et on assiste bien souvent au renforcement des niveaux supérieurs de la hiérarchie urbaine.

Les facteurs de la métropolisation sont divers : économies d'échelle et d'agglomération, avantages comparatifs, besoins d'accessibilité aux réseaux (aux échelles nationales et mondiales), etc. Le phénomène de métropolisation ne se réduit pas à sa dimension démographique. Il doit son ampleur et son originalité à la concentration spatiale des fonctions stratégiques du nouveau système productif : appareils de commandement et de contrôle ; foyers de l'innovation ; accessibilités aux réseaux de communication virtuels ou physiques ; attractivité et poids culturels. La métropolisation peut se mesurer et s'apprécier à l'aide de toute une série de critères structurels, fonctionnels, ou encore dynamiques qui permettent d'établir hiérarchies, classifications, typologies. Mais l'approche du phénomène dépend des niveaux d'échelle considérés : une métropole de rang mondial ne pourra être analysée avec les mêmes grilles qu'une métropole régionale. Au niveau supérieur de la hiérarchie, métropolisation rime avec mondialisation.

En l’inscrivant dans les réseaux de l’économie mondiale, la métropolisation modifie l’ancrage local, régional ou national d’une ville. Le processus est multiscalaire : à l’échelle mondiale, il tend à renforcer les hiérarchies urbaines en faveur des grandes villes ; à l’échelle métropolitaine, on assiste à des dynamiques sociales et spatiales différenciées de fragmentation et de ségrégation.

La métropolisation amplifie un certain nombre de problèmes d'aménagement liés à l’étalement urbain, aux mobilités croissantes, à l’augmentation de nuisances (pollution, engorgement) et surtout à l'injustice sociale, notamment par la gentrification des quartiers populaires centraux et péricentraux. L’ensemble réinterroge aussi les modes de gouvernance urbaine. Lorsque la spéculation financière oriente les choix décisionnels, on parle de ville néolibérale. Dans les pays à forte croissance économique, la métropolisation est l'un des ingrédients de l'émergence. Elle en accentue aussi les aspects négatifs en concentrant les inégalités sociales et les dégradations environnementales. La modernisation du paysage urbain peut également être le prétexte à une bruxellisation : la destruction du bâti ancien associée à l'éviction des classes populaires et des populations jugées indésirables comme à Shanghai.

La métropolisation est également un discours : elle est l'horizon désiré des politiques urbaines, y compris pour des villes de rang inférieur. Pour de nombreuses villes, le statut de métropole est envié. Pour l'obtenir, les autorités municipales cherchent à reproduire les caractéristiques des métropoles mondiales en attirant les flux touristiques et les investissements, ou en encourageant la tertiarisation économique. Le risque est alors une uniformisation des paysages et des pratiques, et des travaux souvent gigantesques coupés des besoins réels des habitants. La contestation, à l'échelle globale, de la mondialisation, passe aussi bien souvent, à l'échelle locale, par une contestation de la métropolisation.

(MCD) décembre 2013, (JBB) juin 2020. Dernière modification (SB et CB), janvier 2023."

geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/metropolisation

 

 

 

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