équipe pluridisciplinaire : reflexivité, controverses, accordages

Constat : nous faisons souvent parti d’équipes « plurielles » en genre, origines, parcours, métiers, avec donc des savoirs, savoir être, savoir-faire différents, qui se doivent d’être acceptés car complémentaires, et qui s’exercent dans un cadre particulier qui est celui du milieu professionnel.
Donc « Dans la mesure où comme le disait Durkheim, « les valeurs morales sont des valeurs sociales », il n'est pas étonnant de constater que l'appartenance à une équipe devient rapidement une éthique »,... (Mucchielli, Roger, (1975) « Le travail en équipe », Op. Cit., 18è édition 2019 ESF Sciences humaines, Paris.) ...

... que nous avons tous, puisque nous respectons la notion et la nécessité du travail en équipe...
Ainsi, il faut de la reconnaissance, de la confiance, du courage et de la pondération… les uns envers les autres...

Ce qui compte c’est que le travail qui nous est demandé, soit effectivement réalisé, même chacun à notre façon. 

Tout cela demande donc l’effort d’arrêter de regarder l’autre travailler et de cesser d’être dans la réaction :
reconnaissons que souvent nous ne tolérons pas chez l’Autre, ce que l’on se permet soi-même.
Ainsi, faisons vraiment preuve de bienveillance, d’humilité, de simplicité, de sincérité…           
Allons dire directement ce qui ne va pas à la personne concernée au lieu de « bavasser » avec des collègues, pas forcément concernés. Tout cela ne sert qu’à faire des histoires, au lieu d’assainir, pacifier, réguler… les relations.
Saisissons nous des lieux de paroles qui existent pour désamorcer, lever les ambiguïtés, les incompréhensions, les tensions… (relèves, réunions d’équipe, APP…)   

« Ce qui est important chez quelqu’un, c’est sa liberté d’esprit.
Quelqu’un d’intéressant, c’est quelqu’un qui est sa propre norme.
Peu importe son milieu.
Il avance et son univers s’impose naturellement aux autres » Thiphaine Rivière La distinction (librement inspiré du livre de Pierre Bourdieu) La Découverte 2023

Être soi, d’abord. Puis s’extraire d’un entre soi, souvent stérile et sclérosant pour parvenir à un « Entre-Autres » (un parmi, un notamment, un particulier), comme un entre. Un entre temps ou en entre lieu qui sépare, mais aussi, paradoxalement relis, unis, particulièrement dans un entre deux, qui présuppose un dialogue, échange, une hésitation à prendre le risque… de la rencontre ?
(Voire l’antre ? Où l’on retrouve l’idée de refuge, et qui fait penser à l'allégorie de la caverne qui est introduite par Socrate afin de faire comprendre à ses interlocuteurs la nature de l'Idée de Bien…)

Bref, parlons-nous, acceptons et assumons de vivre ensemble, sur notre lieu de travail.
Car toute question est entendable. Soit elle a une réponse. Soit elle appelle réflexion. Soit elle implique une remise en cause.

 
Extraits de L’agir pluridisciplinaire : articulé autour de six axes : Comment soigner les maux de la communication ? 
        
« - Le premier est une invitation à l’autoréflexion. Chacun en son for intérieur se sait concerné, alors que s’éveille en lui les questions suivantes : que penses-tu, comment agis-tu, comment et pourquoi prends-tu telle décision ? … Nous pouvons choisir de refuser l’invitation, refuser à ce mot un pouvoir sur nous, et fuir la possibilité d’assumer une responsabilité dérangeante : s’éveiller à soi-même, penser par soi-même. Cette responsabilité peut aussi être diluée dans le nous collectif de l’équipe. 
      
- Le deuxième axe est nommé objectif commun offre de prendre acte qu’il ne peut être je sans le nous, et réciproquement. Le je ne se fond pas dans le nous, mais coexiste avec lui. S’ouvre alors le champ de la responsabilité du travailler ensemble, et plus profondément du vivre-ensemble.

- Le troisième axe nous invite à nommer usageant celui habituellement désigné comme usager… Il dote d’une dimension particulière celui dont on prend soin, en tenant compte de son désir et de son action : que veut-il pour lui-même ? Comment va-t-il agir dans ses soins ? … La brèche ainsi ouverte dans les certitudes professionnelles dévoile une rencontre fondamentale et universelle : celle d’un être vulnérable. On peut choisir de ne rien en savoir, de ne rien voir, ou de faire face et en accepter les conséquences. Notre responsabilité de soignants, d’aidants, n’est plus seulement celle que l’on croyait. Nous pensions, forts de notre savoir et de nos compétences être décideurs du soin, de l’aide apporté. Or c’est l’inverse qui fonde le lien à l’autre vulnérable. Il nous commande en nous chargeant de la responsabilité de le protéger, sans qu’il le demande. Au-delà de tout bon sentiment, de toute bonté, il s’agit de … « la responsabilité pour l’autre » Lévinas. Nous nous sentons obligés, tenus d’accepter ce fonds des relations humaines.

Les trois axes suivants permettent à celui qui s’engage de persister dans la voie de sa responsabilité, de signer sa présence.  
  
- La reconnaissance mutuelle découle logiquement des axes précédents. La reconnaissance signifie avec force la place du collègue, reconnu dans sa compétence professionnelle, dans son style de réponse à la tâche qui est la sienne et dans sa singularité. Mutuelle évoque une réciprocité d’échanges, un partage au-delà du lien professionnel. 
 
- L’éthique, … vient nommer le passage d’une responsabilité inhérente aux fonctions professionnelles vers une responsabilité choisie et endossée. L’obéissance, la soumission vertueuse à des Valeurs plus ou moins généreuses, au nom desquelles l’aidant agirait, laissent la place au débat tant avec lui-même qu’avec les autres. 

- Pourquoi la réflexivité … Il vient nommer la complexité et la mouvance de l’expérience proposée. Il reflète l’aventure humaine de la responsabilité garante de l’altérité.

L’agir pluridisciplinaire propose de concevoir ces 6 axes comme les temps logiques, nécessaires à la structuration et à l’identification d’un sujet de la responsabilité. Peut-être ce chemin répond-il à l’appel de plus d’humanité. » P 172 à 174

Alain Depaulis, Alain Molas, Jean Navarro, L’agir pluridisciplinaire, Ethique et réflexivité, L’Harmattan, 2021.

 

"L’équipe ne se parle plus. » C’est par ce diagnostic que la responsable d’un établissement de protection de l’enfance commença à me faire part d’une demande de supervision auprès de professionnels, en l’occurrence des éducateurs, des auxiliaires puéricultrices et des maîtresses de maison, et où sera très vite identifiée une série de tensions entre professions « éducatives » et professions « domestiques » et « de soin ».

« C’est le métier qui parle. » Cette expression de sens commun rend compte de la capacité des professionnels à s’appuyer sur leurs expériences passées pour faire face aux situations qui débordent du cadre habituel des interventions. Lorsque le « métier parle » (on dit aussi « c’est l’expérience qui parle »), le professionnel n’a rien à dire de son travail : celui-ci s’accomplit sans la nécessité de l’interroger ou de le justifier.

À partir de ces deux énoncés qui portent sur le statut de la parole dans le travail, le présent article souhaite interroger les dispositifs de reprise de l’action (dont les dits groupes de supervision, d’analyse de pratiques ou d’analyse institutionnelle) comme des instances essentielles de « performation » de l’équipe. On formulera notamment l’hypothèse selon laquelle « faire équipe » consisterait avant tout à (re)faire parler ensemble le métier de chacun [...]"

Extrait de Refaire parler le métier Le travail d'équipe pluridisciplinaire : réflexivité, controverses, accordages Bertrand Ravon Dans Nouvelle revue de psychosociologie 2012/2 (n° 14), pages 97 à 111

 


Références bibliographiques:
- Communiquer dans les institutions sociales et médico-sociales - (Pour mettre en oeuvre la loi du 2 janvier 2002) de Daniel GACOIN - Edition DUNOD
- Le lien d'accompagnement - Entre don et contrat salarial - de Paul FUSTIER - Edition DUNOD