Familles

«Les familles qui nous confient leur proche… jouent bon an mal an leur rôle, qui ne s’apprend pas ou s’apprend en faisant, qui s’invente tous les jours, un rôle dont on ne s’échappe pas si facilement. À ce détail près que l’histoire d’une personne depuis sa naissance n’est jamais pour elles seulement une question de prise en charge. Elle renvoie finalement à la « destinée » d’une famille... Elle se constitue en événement de vie dont les résonances sont infinies, dépassent le point de vue personnel pour toucher plusieurs générations.

Et il n’est que de questionner des frères et sœurs de handicapés ou des grands-parents pour le comprendre...
D’où j’en tire une conclusion pratique : faire du bien à une personne accueillie, c’est souvent faire du bien à ses parents, faire du bien à ses parents, c’est faire du bien à une famille, ce bien ayant une capacité de développement et d’influence sur tout un environnement social…et qui se retourne favorablement sur l’individu lui-même…  
Le respect dû aux familles, le respect dû aux adultes handicapés supposent de travailler avec la plus grande rigueur, ce qui ne signifie en rien que l’on doive mettre de côté son humanité, ni son désir de proximité.        
Face à l’ensemble des situations auxquelles le professionnel est convoqué, situations qui peuvent le faire lui-même vaciller, perdre ses propres repères, ou ce qui est pire, continuer joyeusement sur une voie mauvaise, une véritable technicité doit être développée.         
Le professionnel de la relation d’aide sait qu’un équilibre retrouvé pour la famille, c’est une victoire de plus, une avancée pour la prise en charge. Une réussite de la personne suivie n’est pas grand-chose quand elle n’est pas reçue, comprise, approuvée par la famille. Une prise en charge d’adulte handicapé met en œuvre des sentiments et des dépendances plus ou moins enfouies, plus ou moins visibles et lisibles.
La question de la rencontre avec les familles n’est pas une question de « spécialiste » qui serait enfermé dans une compétence supposée. Question par définition multiforme, produisant des effets de résonance considérables, elle suppose une gestion collective. Rencontrer une famille, c’est donc une question institutionnelle…     
L’objectif des entretiens est de créer un espace intermédiaire, un troisième terme qui n’est pas l’institution ni la famille, afin de favoriser le jeu complexe des interactions entre l’une et l’autre, privilégiant l’écoute des différents partenaires Leur principale fonction est de rentrer en résonance avec les effets de la prise en charge, qui sont toujours très nombreux.      
Résonner ensemble (et non pas raisonner) est bien le but, en évitant les à-coups, les malentendus trop douloureux. La question n’est donc en aucun cas de changer la famille, de la faire évoluer, mais d’apprendre à se comprendre ou d’apprendre à se déprendre (défaire)… dans un espace de croissance commune ayant comme objet de favoriser la prise en compte de l’usager…           
Il est trop facile de transformer l’adulte handicapé en un « cela », de ne pas s’adresser à lui pour ce qui le concerne…
S’il y avait quelque chose à savoir avant toute chose, c’est le retentissement émotionnel de toute information donnée. En toute situation, là comme ailleurs, il faut y mettre des formes…1 »

« Les petits bouts ne font pas une histoire…peut-être tenons-nous là l’une des raisons majeures de travailler avec les parents, dans un temps continu, qui tisse quelque chose d’un film familial 2 »

"Quand la famille et la société sont dans une période de mutation aussi profonde que celle d’aujourd’hui (les mutations juridiques et culturelles ; la disjonction de la conjugalité et de la filiation ; la massification de la précarité sociale et économique ; la multiplication et le décalage des références au regard des particularités de la migration), les rôles parentaux tels qu’ils étaient incarnés par les générations précédentes, les valeurs et les normes d’un modèle unique de famille ne suffisent plus aux parents confrontés à la complexité de leur fonction éducative.
Bien souvent, les familles se sentent coupables de ne pas réussir l’éducation de leurs enfants, et les parents se trouvent désignés comme responsables. Les institutions ne se gênent pas pour les accabler ou leur donner des leçons allant jusqu’à leur imposer des stages d’aide à la parentalité, comme si le rôle de parents était un métier qu’il leur fallait acquérir de gré ou de force."
Christian Guillaumey Éducation et prévention spécialisée 2007

1/ Le travail avec les familles dans une institution de personnes en situation de handicap Réflexion sur les méthodes Jean-François Gomez Dans VST - Vie sociale et traitements 2011/2 (n° 110), pages 21 à 29   
2/ Catherine SELLENET dans une intervention : la parentalité Bordeaux, Mars 2011

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