Action sociale

"L’action sociale est un service public. C’est un devoir de l’État envers ceux qui sont « laissés sur le bord de la route ». C’est pourquoi ceux qui utilisent nos actions en sont les usagers, au sens de « titulaires » d’un droit d’usage, utilisateurs d’un bien public collectif, utilisateurs et non consommateurs. Car l’utilisateur est actif (d’où le sens de l’action sociale) alors que le consommateur est bien souvent passif. En tous les cas, si l’usager n’était pas acteur, ce serait à nous de faire en sorte qu’il le devienne, puisque tout usager est citoyen, et que le citoyen est partie prenante de ce qui se fait, de ce qui se passe dans son quartier, sa ville, son pays.

C’est pourquoi nous avons souscrit à la définition du travail social fournie par l’onu et reprise par le Conseil économique et social Rapport du Conseil économique et social, 2000, Mutations de la… : « Le travail social a pour vocation première d’aider à ce qu’une personne, une famille, un groupe de personnes, ait accès aux droits que la société lui confère et crée ou recrée des liens sociaux. C’est à partir des attentes du bénéficiaire, de ses problèmes, de la perception qu’il a de son propre devenir, de ses potentialités visibles ou à faire émerger que doit se développer le travail social. Celui-ci devra permettre à l’usager de devenir acteur de sa relation avec la société et de la réappropriation de ses droits. »

Pour ce faire, trois sortes d’acteurs : l’usager (légitimité d’usage), les représentants des pouvoirs publics (légitimité politique), les professionnels du social (légitimité de compétence). Ceci n’est pas nouveau. Je l’avais déjà décrit dans EmpanJacques Ladsous, « L’évaluation en question », Empan, n° 9,… à propos du projet. Mais c’est cette triple légitimité qui, quand elle s’exerce bien, conduit l’usager à s’exprimer en citoyen. À quelles conditions ? C’est ce que notre rapport s’est mis à explorer. Et sur le chemin de cette exploration nous avons rencontré le concept d’alliance : le soignant, l’éducateur, l’assistant de service social, l’intervenant ne peuvent conduire celui que la société leur confie pour un temps, vers l’exercice de sa citoyenneté, qu’en faisant alliance avec lui, croisant leurs savoirs avec le sien, échangeant leurs soucis et leurs souhaits réciproques. Ce n’est plus la personne qui doit se plier aux exigences de l’institution, c’est l’institution qui recherche les adaptations permettant à tout un chacun d’exister au milieu des autres.

Ce concept d’alliance, cher à nos amis d’atd Quart Monde que nous avons largement consultés, nous a amenés à changer l’image du travail social, telle que des années de service l’ont laissée se répandre Rapport du Conseil supérieur du travail social, L’image des…. Il ne s’agit pas de se pencher sur les gens. Il s’agit d’adopter une posture qui permette le partage, l’échange, et modifie le rapport dominant-dominé souvent à l’œuvre, en institution, plus par habitude et facilité que par volonté réelle de puissance. Cette notion de posture, décrite comme une attitude à la fois physique et mentale impliquant le corps et l’esprit, nous l’avons travaillée à tous les niveaux, celui de l’usager lui-même, ni assujetti ni client-roi, celui du professionnel dont le savoir éclairant doit rechercher, pour qu’il devienne opérant, le savoir de l’usager dont la volonté et le désir sont indispensables à son évolution, celui des prescripteurs qui ne doivent jamais orienter ni proposer, sans avoir connu et compris les lieux et les équipes de travail qu’ils sont amenés à utiliser. Cette notion de posture, nous l’avons travaillée dans les deux formes principales que prend l’action sociale aujourd’hui, celle d’accueillir mais aussi celle d’aller à la rencontre.

La posture, nous dit le dictionnaire Larousse, est une attitude particulière du corps adaptée à une situation donnée, et les vieilles éditions nous parlent d’une recherche qui rend commode une situation qui pourrait être compliquée. Il y a donc dans ce mot à la fois une recherche attentive de l’autre et un positionnement qui devrait faciliter une compréhension réciproque. Cette attitude est valable pour nous. Elle devrait entraîner de la part du sujet et progressivement, une posture identique conduisant à une adhésion à ce que nous pouvons faire ensemble. Elle a une base éthique : la confiance que nous faisons au sujet dans sa capacité à mobiliser son potentiel utilisable. Mais elle est aussi une attitude qui se travaille et se bonifie avec le temps et l’expérience. Elle a donc aussi une dimension professionnelle indiscutable. Elle est, comme le dit si bien le philosophe libanais Abdo Kahi, « ce regard qui marie le saisissable avec l’insaisissable, le concret avec l’imaginaire, ce regard sur la réalité qui aura à la transformer en espérance ». Cet espoir de pouvoir flirter avec l’inconnu, au-delà de toute objectivité.

Mais cette attitude devrait aussi pouvoir exister chez tous les prescripteurs : médecins, magistrats, administration… (même si c’est sous une autre forme) ainsi que dans toutes les institutions (établissements, services…) qui se proposent d’accueillir ou d’aller à la rencontre.

L'usager au centre du travail social Représentation et participation des usagers Jacques Ladsous Dans Empan 2006/4 (no 64)o2006/4 (no 64), pages 36 à 45

 

" Par convention, il est d’usage de dire qu’il y a quatre grands secteurs de l’action sociale définis par la problématique des publics : insertion et politique de la ville, protection de l’enfance, handicap et secteur de la santé publique. Ces grands secteurs répondent effectivement à des politiques et logiques différentes et engendrent des professionnalités spécifiques. La compréhension de chaque spécificité sectorielle légitime les savoirs de spécialistes tels que – et à titre d’exemples – la sociologie des réseaux pour l’insertion, les théories de l’éducation pour la protection de l’enfance, la dimension psycho-pathologique pour le secteur du handicap ou encore la dimension clinique des pratiques addictives pour le secteur de la santé publique..."

Ingénierie dans le champ social. Quels modèles d'expertise ? Jean-Christophe Barbant Dans Vie sociale 2011/1(N°1), pages 41 à 59 Éditions Érès

 

Aucun commentaire

Laissez votre commentaire

En réponse à Some User