Différer - La différance

Différer : du latin differre au sens de « remettre à plus tard, retarder. Temporiser. "1/ verbe transitif Remettre à un autre temps ; éloigner la réalisation de (qqch.). 2/ verbe intransitif Être différent, dissemblable. ➙ se différencier, se distinguer. Différer de. lerobert.com
Différance : concept créé par le philosophe Jacques Derrida, en modifiant différence .
Le mot différance joue sur le fait que différer signifie à la fois « ajourner » et « différencier ».
Le mot apparaît déjà en 1959 dans la conférence intitulée "Genèse et structure" et la phénoménologie (p. 239), l'idée en est également suggérée en 1961, aux pages 170-171 de son Introduction à L’origine de la géométrie puis à nouveau dans L’écriture et la différence (passim), (1967) et dans sa discussion sur Edmund Husserl dans La Voix et le phénomène (1967). Wiktionnaire

Différer : "Finalement, ce n'est pas parce que l'enfant mange le marshmallow que sa vie est foutue

C’est l’une des expériences de sciences sociales les plus connues. Un enfant de maternelle est assis sur une chaise, seul dans une pièce, face à une table sur laquelle trône un marshmallow. On lui donne une consigne : il peut avaler la guimauve sur-le-champ, mais s’il résiste à la tentation et attend le retour du chercheur, promis, il aura le droit à un second bonbon.

Entre 1968 et 1974, 550 enfants d'une école passent le test de Walter Mischel, professeur de psychologie à Stanford (Californie). Un tiers d'entre eux réussissent à patienter.

L’équipe universitaire, qui suit les enfants sur trois décennies, aboutit à la conclusion que devenus adultes, ceux-là persévèrent davantage dans leurs objectifs à long terme, les atteignent le plus souvent, poursuivent des études plus longues, s'adonnent moins aux drogues dures, ont une corpulence plus faible. Ceux qui ont résisté à l’appel de la sucrerie entretiennent avec "plus d'aisance des liens étroits avec les autres". Ils ont aussi plus confiance en eux.

"J'ai acquis la conviction qu'exercer son self-control, et plus spécifiquement différer une gratification immédiate au profit de bénéfices futurs, est une compétence qui s'apprend", écrit en 2015 Walter Mischel dans "le Test du marshmallow" (éd. Lattès).

"Cette compétence se développe pendant la petite enfance, [elle] est mesurable et [elle] a un impact profond sur notre bien-être, notre santé mentale et physique au fur et à mesure que nous vieillissons."

Pendant des années, l'étude a été citée comme la preuve de l'importance du self-control... Le "test du marshmallow" est aujourd'hui de nouveau remis en question.

Court-terme

Une nouvelle étude [lire le PDF], relayée par "The Atlantic", vient éclairer l'expérience de Walter Mischel sous un jour nouveau. Une équipe universitaire (Tyler Watts, Greg Duncan et Hoanan Quen) a reproduit le test et est arrivée à d'autres conclusions.

Pour cette nouvelle expérience, l'équipe a augmenté le nombre d'enfants testés (918) à partir d'un échantillon plus représentatif de la société américaine – celui de Walter Mischel péchait par son homogénéité.

Et elle a trié ces enfants en deux groupes : ceux issus de mères diplômées et ceux issus de mères sans diplôme. Résultats : 68% des enfants dont la mère a un diplôme universitaire ont réussi à patienter sept minutes (et 10% n'ont pas tenu 20 secondes), contre 45% pour les autres enfants (et 23%). 

Le test du marshmallow n'est pas une histoire de tempérament, et de self-control, mais de creuset social.

Jessica McCrory Calarco, chercheuse en sociologie à l'université d'Indiana, qui a analysé pour "The Atlantic" la reproduction du test, écrit que la capacité à patienter est en grande partie façonnée par les antécédents économiques et sociaux familiaux.

Rareté et pauvreté

Ces observations sont corroborées par d'autres études, note l'auteure :

  • Sendhil Mullainathan et Eldar Shafir ont notamment décrit, dans un livre paru en 2013, comment la rareté crée un état psychologique qui perpétue la pauvreté. Le manque modifie la façon dont les personnes considèrent ce qui est disponible immédiatement. La gestion des problèmes pressants peut empêcher une planification à long terme au profit du court terme.
  • Dans ses recherches menées avec Brea Perry, l'une de ses collègues, Jessica McCrory Calarco a aussi montré que les parents à faible revenus sont plus susceptibles de céder aux demandes de friandises de leurs enfants.

Pour les enfants de milieux défavorisés, il y a un risque à patienter ; alors que les enfants dont les parents gagnent plus d'argent sont habitués à une certaine stabilité qui facilite l'attente (même si l'enfant craque avant la seconde guimauve, il peut toujours compter sur ses parents pour lui offrir une sucrerie plus tard).

"Ces résultats montrent que les parents pauvres tentent de faire plaisir à leurs enfants quand ils le peuvent, tandis que les parents plus aisés ont tendance à faire attendre leurs enfants pour de plus grandes récompenses", conclut Jessica McCrory Calarco.

Le milieu familial

D'ailleurs, si on étudie maintenant les données à l'intérieur de chaque groupe, le test du marshmallow n'est plus probant. 

Jessica McCrory Calarco :

"Ce nouveau papier a révélé que parmi les enfants dont les mères avaient un diplôme universitaire, ceux qui attendaient une deuxième guimauve ne faisaient pas mieux à long terme [...] que ceux qui l'ont mangée.

De même, parmi les enfants dont les mères n'ont pas de diplôme universitaire, ceux qui attendaient ne faisaient pas mieux que ceux qui cédaient à la tentation, une fois pris en compte le revenu du ménage et le milieu familial de l'enfant de 3 ans [...].

Pour ces enfants, la maîtrise de soi ne pouvait à elle seule surmonter les difficultés économiques et sociales."

Tyler Watts, chercheur à l'université de New York et auteur de l'étude parue fin mai dans "Psychological Science", explique de son côté que la lecture socioéconomique n'est pas suffisante. Il est difficile de déterminer quels sont les facteurs qui pèsent le plus dans l'ensemble des critères pris en compte dans son étude (capacités cognitives, poids à la naissance, etc.).

Pas un indicateur important

Pour Tyler Watts, la "maîtrise de soi" ou le "self-control" n'est en réalité qu'un des nombreux éléments testés dans l'expérience. Plusieurs choses peuvent selon lui expliquer pourquoi un enfant est capable de patienter davantage lors du test à la guimauve :

"On peut supposer qu'un enfant plus privilégié pourrait avoir plus confiance dans l'information fournie par l'expérimentateur (ils croient que la deuxième guimauve leur sera donnée s'ils attendent), ou qu'un enfant avec de meilleures fonctions cognitives pourrait être capable de réfléchir à des stratégies pour l'aider à s'en sortir (par exemple, élaborer des jeux mentaux pour se distraire de la guimauve).

Il est également possible que certains enfants aient des parents qui leur montrent comment retarder une gratification dans la vie de tous les jours. Il y a de fortes chances pour que ces facteurs aient tous contribué à la variation que nous avons observée dans la capacité de l'enfant à retarder la gratification. "

Pour Rue89, il reformule le principal enseignement de son étude :

"Le 'test du marshmallow' n'est pas spécialement un indicateur important de réussite, au-delà d'autres facteurs présents dans la vie d'un enfant." Publié le · Mis à jour le
 

Différance : "On ne tirerait pas grand profit de ce que Jacques Derrida entend par la « différance » (avec un « a », ce qui, symptomatiquement, se lit mais ne s’entend pas) si on ne prenait en vue que ce signifiant ne vise pas une notion, mais une force et une force au travail ; celle d’une double motion :
  • d’une part, de retardement (« différer » au sens de renvoyer à plus tard, de temporiser, de laisser les problèmes ouverts) ;
  • d’autre part, de différenciation (« différer » au sens de débusquer les écarts différenciels cachés dans les héritages culturels et de les sauver dans leur originalité).
Aux yeux de notre philosophe, un tel travail de retardement doit être consenti et entretenu pour empêcher que les problèmes humains ne se referment sur eux-mêmes comme s’ils devaient un jour se reposer de tout questionnement ; et un tel travail de différenciation doit être recherché et cultivé pour empêcher que les contradictions productives de la réalité ne tombent dans un double travers :
  • celui des exclusivismes où les unes absorbent les autres au détriment de leur mutuelle fécondation ;
  • celui, inverse, des réconciliations trop rapides où tout le monde est de nouveau perdant.
En-deçà de cette éthique du « oui » au retardement différenciant, toute réflexion s’expose à la mauvaise violence : celle qui bloque la marche en laissant se figer les horizons ou qui endort les marcheurs en cédant aux simplifications.

Heureusement, même quand nous sommes gravement infidèles à cette force – mais aussi quand nous lui sommes quelque peu fidèles – cette force fait « trace » : elle laisse des pistes et pierres d’attente permettant la remise en circuit de l’examen des problèmes sous son pouvoir d’ouverture et de discernement. Ici la trace n’est pas un vestige, mais bien la présence d’un « blanc » ou d’une « déhiscence », inaperçus mais actifs, dans nos raisonnements les mieux conduits et les mieux intentionnés, non moins que dans nos dogmes les plus assurés ; présence d’un « tremblement » qui nous a échappé comme échappe, pourrait-on dire, un lapsus, un geste manqué ou un trait d’esprit, et qui reste là obstinément dans le « texte » de notre vie, de notre histoire, à la manière d’un îlot de résistance à toute entreprise de figer ou d’amalgamer ; et comme un rendez-vous que nous avions manqué mais qui, dans notre dos, maintient fidèlement sa pression. Il suffirait de se retourner et de reprendre date. Une telle reprise généalogique qui remet sur le métier, débloque et reconduit les significations, ce serait cela la « déconstruction »…"

Cairn.info Derrida et la « différance » aux sources de notre culture Raymond Lamboley Dans Revue d'éthique et de théologie morale 2005/2 (n°234), pages 47 à 62

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