Limites

Limite : "Point qui ne peut être dépassé." Larousse "Emprunté du latin limes, ‑itis, « sentier ; frontière » Dictionnaire de l'Académie française.
"Comment se repérer dans un contexte plus ou moins parasité par le spectre de la maltraitance et trouver un juste chemin entre laxisme, absence ou insuffisance de cadre éducatif, d’un côté, et, de l’autre, exigences excessives ou sans vraie raison d’être ?
Comment aider nos enfants à construire un moi suffisamment fort et une solide estime d’eux-mêmes sans être étouffés par le poids des impératifs et des interdits, tout en devenant des citoyens à la fois responsables d’eux-mêmes et aptes à tenir compte des autres, à nouer des relations harmonieuses ?

Comment les soutenir dans ce cheminement dans un monde où la quête du bonheur individuel est à son paroxysme, où l’affirmation de soi devient un devoir et fait l’objet d’injonctions en tous genres, où le sentiment de culpabilité est vu comme une faiblesse ?

Respect de l’enfant ne signifie pas toute-puissance de l’enfant

L’adulte va d’autant mieux jouer son rôle d’initiateur au monde social que celui-ci apparaîtra à l’enfant comme un monde compréhensible et cohérent. Monde dans lequel, notamment, respect de l’autre et respect de soi vont de pair ; dans lequel règles sociales fondamentales nécessaires à la poursuite de l’humanisation du petit enfant ont pour objet la sécurité et l’intégrité physiques de l’autre et de soi-même ainsi que celles des éléments de l’environnement utiles au groupe familial.
Il y a un réel paradoxe à laisser l’enfant porter atteinte à ces différentes choses et à ne pas introduire de limites qui éclairent sa lanterne et l’aident à se « conduire » dans le monde. Et il est contradictoire de se laisser malmener sans réagir. En effet, cela finit toujours par porter atteinte à la continuité de la relation, et une permissivité sans bornes aboutit tôt ou tard à des moments de conflit, d’exaspération et, finalement, de rejet.
Ce qui est acceptable, et finalement plutôt bien accepté par l’enfant, c’est un petit nombre de limites, seulement celles qui sont indispensables et d’autant moins nombreuses que des aménagements facilitateurs, organisationnels et matériels, auront été trouvés, et d’autre part énoncées et mises en œuvre avec détermination et tranquillité. Dire « non » et le maintenir, par la parole et, le cas échéant, par le geste clairement limitatif, suppose de ne pas être trop habité par la peur du conflit et celle de perdre l’amour de l’enfant. La confiance et la sécurité de l’enfant procèdent aussi de cette clarté.

Permettre l’expression des émotions que suscite la limite

La limite, génératrice d’inévitables frustrations, même restreintes, demande à être, non pas justifiée, mais accompagnée dans les émotions qu’elle suscite. Et ce particulièrement chez les jeunes enfants, qui la ressentent non seulement comme une frustration, mais aussi comme une atteinte à leur narcissisme naissant. Ainsi, refuser ou désapprouver un acte ne signifie pas refuser l’expression de ces émotions dès lors que celle-ci ne met pas autrui physiquement à mal. D’autant que nous savons combien l’enfant a besoin, selon la formule consacrée, de « s’opposer pour se poser », s’identifiant ainsi à l’« agresseur » que représente l’adulte qui empêche ou interdit.
Accompagner la limite donnée, c’est aussi présenter des perspectives positives, faire valoir à l’enfant le possible, le permis, ce à quoi on peut dire « oui ». Cela suppose et requiert de la disponibilité. Parfois, les adultes acceptent par lassitude et pour avoir la paix. Leurs acquiescements peuvent ainsi parfois traduire, paradoxalement, une forme de désengagement et d’abandon de l’enfant à lui-même. Françoise Dolto a très bien dit comment, en ne satisfaisant pas immédiatement la demande de l’enfant, l’adulte ménage un espace pour le désir. Comment la rêverie à propos de l’objet désiré et l’anticipation mentale des plaisirs liés à sa possession constituent elles-mêmes des sources de plaisir, comment le fait que la satisfaction soit différée peut la rendre plus profonde. Mais à condition que l’adulte soit présent pour soutenir l’enfant dans cette attente, accueillir son impatience, partager le cas échéant sa rêverie et favoriser l’expression de celle-ci.

Développement de l’enfant et évolution des exigences de l’adulte

[...] Aux environs de 4 ou 5 ans – période caractérisée à la fois par l’affirmation de soi et par le conflit œdipien –, l’enfant est encore trop immature pour supporter très longtemps le partage de l’attention et l’adulte avec un groupe, l’immobilité « obligée » et la participation à des jeux codifiés selon des règles strictes. Une grande liberté motrice lui est nécessaire, ainsi que la possibilité de déployer à sa guise son activité fantasmatique dans des jeux dont il modifie le scénario selon son idée. À cet âge, les enfants peuvent se fédérer autour d’un imaginaire commun, mais leurs associations sont encore fluctuantes. C’est vers 7 ou 8 ans que l’enfant est davantage prêt à inscrire son activité de manière plus continue dans un cadre précis et plus contraignant, et à passer plus souvent du jeu au travail.

L’adolescence a souvent été décrite comme une période de reprise et de réélaboration de la crise œdipienne, ainsi que de réaménagements identificatoires s’accompagnant d’une désidéalisation progressive des parents, nécessaire à la conquête d’une identité adulte. Elle est ainsi source de fragilités, de part et d’autre. Chez l’adolescent, aux prises avec les transformations physiologiques qui s’opèrent en lui avec leurs corollaires psychiques, on sait combien, même s’il se manifeste généralement avec beaucoup d’ambivalence, le besoin d’attention, de disponibilité, mais aussi de repères et de limites est important pendant cette période. On sait également que, pour le parent aux prises avec son propre vieillissement et avec la montée en puissance de la génération suivante, il peut être difficile de trouver un juste positionnement. D’éviter les écueils symétriques de la fermeture et de la rigidification d’un côté, du laxisme et du « jeunisme » de l’autre, sous-tendus à la fois par la crainte de l’affrontement et la peur de vieillir. [...]"

Patrick Mauvais « Savoir dire non » ou du bon usage des règles et limites

"Méfions-nous du discours qui voudrait qu’on lui serve à nouveau, comme un plat réchauffé, l’antique autorité. L’enfant a moins besoin de normes imposées que de conseils éclairés, moins besoin d’un pouvoir que d’une lecture du monde, moins besoin de prescriptions que de convictions. Il s’agit moins, pour les parents, de poser des limites que d’indiquer un cadre d’action où l’enfant puisse exprimer sa liberté.
Cela suppose assurément l’observation de quelques règles, mais ces règles doivent toujours être expliquées.
La démocratie, ne l’oublions pas, est avant tout le régime de la persuasion.
Nous devrons nous en souvenir avec l’adolescent, qui, plus que jamais, est une personne."

Michel Fize cairn.info/revue-pensee-plurielle-2006-1-page-69

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