Discrimination
"La discrimination vise à défavoriser une personne pour des motifs interdits par la loi. Par exemple l'origine, le sexe, l'âge, l'orientation sexuelle, les convictions politiques, philosophiques ou religieuses. La discrimination fondée sur un de ces motifs est sanctionnée par la loi pénale En tant que victime, vous pouvez demander à la justice de condamner l'auteur de la discrimination à une sanction pénale et à vous verser des dommages et intérêts."
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"Inégalité et discrimination
L’inégalité, c’est une situation de fait, résultant soit de facteurs inhérents à la personne (âge, maladie, handicap…), soit de facteurs exogènes (les structures sociales ou économiques qui soit admettent les inégalités – on pense évidemment au système des castes en Inde –, soit proclament un idéal égalitaire qui n’est pas réalisé dans les faits), les deux pouvant bien sûr interagir (le fonctionnement de la société renforçant les inégalités : ainsi, une personne handicapée trouve plus difficilement les moyens de gagner sa vie).
L’inégalité peut ainsi préexister à tout acte ou agissement d’autrui.
Le mot « discrimination » connote en revanche un acte ou un agissement volontaire – en tout cas le comportement actif d’un acteur (le législateur, l’employeur, …) qui « discrimine », et dont le comportement soit est guidé par l’intention de discriminer, soit a au moins pour effet d’introduire une discrimination (cas des discriminations dites « indirectes »). La discrimination est le fait d’un agent. Donc, si elle produit nécessairement de l’inégalité (si l’on met à part la question des discriminations dites positives qui visent à rétablir l’égalité), l’inégalité n’est pas nécessairement la conséquence d’une discrimination. Mais, là encore, la discrimination peut venir redoubler une inégalité préexistante, dans la mesure où la personne qui est en situation d’infériorité peut de surcroît faire l’objet d’une stigmatisation génératrice de discrimination (handicapé, malade).
En pratique, toutefois, la frontière n’est pas si simple à tracer. Dans certain cas, il y a incontestablement action d’un agent : c’est l’hypothèse où quelqu’un – un employeur, un logeur – recrute ses salariés ou ses locataires sur un critère de sexe ou de couleur de peau. Dans d’autres cas, ce sont les textes qui établissent des distinctions : là encore, c’est bien un acte volontaire – émanant ici du législateur ou d’une autre autorité normative – qui est à l’origine de l’inégalité. Mais qu’en est-il lorsque les inégalités constatées, sans résulter d’une volonté explicite ou de l’action d’un agent identifiable, résultent, de façon plus diffuse, de « l’état des mœurs » ou des mentalités, d’un sexisme latent par exemple, ou encore du libre jeu des règles de la concurrence – bref, d’effets de système dont personne n’est directement responsable, mais qui néanmoins ne sont pas des faits de nature (comme les inégalités biologiques), mais bien des faits de culture ? Est-il inconcevable, par exemple, de qualifier de discriminations les phénomènes d’exclusion engendrés par le fonctionnement de nos systèmes économiques et sociaux ?
C’est ici que la réponse politique ou la réponse morale peuvent diverger de la réponse juridique. Les hommes politiques peuvent stigmatiser les inégalités sociales comme des « discriminations » qui font tache sur un système démocratique ayant érigé en principe l’égalité ; ils doivent s’efforcer de les faire disparaître. Mais en droit, pour qu’il y ait discrimination, il faut, me semble-t-il, qu’on puisse rapporter le phénomène observé à un auteur, qu’on puisse désigner l’auteur – individuel ou collectif – de la discrimination.
Mais ceci ne suffit pas. A ce premier élément de complexité s’en ajoute un autre : traiter des personnes ou de groupes de façon différente, voire inégalitaire, n’est pas forcément discriminatoire : pour qu’il y ait discrimination, il faut que le comportement ou l’acte tombe sous le coup d’une règle juridique qui le prohibe, d’où la nécessité de cerner la notion juridique de discrimination.
Il faut bien sûr distinguer les inégalités juridiques, c’est-à-dire consacrées par le droit, inscrites dans la règle de droit, des inégalités sociales. Les inégalités sociales entretiennent toutefois avec les inégalités juridiques un rapport à la fois nécessaire et ambivalent. D’un côté les inégalités juridiques reflètent en général les inégalités sociales et simultanément les renforcent (comme l’illustrent le statut de la femme ou le statut des étrangers). Mais, pour autant, l’égalité juridique, l’égalité devant la règle de droit ne suffit pas à établir l’égalité en fait (notamment parce que l’égalité devant la loi entendue comme « la même loi pour tous » confond égalité et uniformité). L’application de la même règle à tous, sans tenir compte des différences entre les individus, va conserver, voire renforcer les inégalités préexistantes. Mais si le droit prend en compte ces inégalités, il n’est plus formellement égalitaire. On retrouve là la distinction que faisait déjà Aristote entre justice commutative et justice distributive, entre égalité arithmétique et égalité géométrique.
Et c’est – on va le voir – ce qui rend délicates l’application du principe d’égalité d’une part et la détection de certaines formes de discrimination d’autre part.
La discrimination saisie par le droit
Du sens large au sens étroit
Au sens le plus large, on pourrait qualifier de discrimination toute différence de traitement, qu’elle soit inscrite dans un texte ou qu’elle résulte du comportement de telle personne ou de telle institution. Après tout, discriminer, étymologiquement, ce n’est rien d’autre que faire une distinction, établir une séparation, une différenciation entre des objets.
Le mot discrimination est chargé, toutefois, au-delà de son sens premier, étymologique, d’une connotation négative : discriminer, dans le langage courant, ce n’est pas simplement séparer mais en même temps hiérarchiser, traiter plus mal ceux qui, précisément, seront dits victimes d’une discrimination. L’adjectif discriminatoire désigne ainsi exclusivement un acte ou un agissement qui tend à distinguer un groupe humain ou une personne des autres, à son détriment.
Le langage juridique a intégré cette connotation négative : en dépit d’un certain flottement terminologique qui conduit parfois à qualifier de discrimination toute différence de traitement, toute distinction opérée entre des catégories de personnes, indépendamment de son caractère légitime ou non, la volonté de plus en plus nette, tant au niveau international que dans les législations internes, de traquer et de mettre hors-la-loi toutes les formes de discrimination ne laisse aucun doute sur ce point : la discrimination apparaît bien comme ce qui est fondamentalement à proscrire.
La discrimination, c’est donc la distinction ou la différence de traitement illégitime, celle que l’on veut proscrire (c’est pourquoi le terme de « discrimination positive » est contestable, parce qu’ambigu). Mais à nouveau, ici, on peut opter pour une conception extensive ou restrictive :
- dans une conception extensive, on entendra par discrimination toute différence de traitement qui n’est pas justifiée – justifiée notamment par une différence de situation. C’est l’optique de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, ou encore de la Cour européenne des droits de l’Homme. La discrimination, c’est l’atteinte non justifiée, arbitraire, donc, au principe d’égalité ;
- dans une conception plus restrictive, on ne parlera de discrimination que pour désigner le traitement défavorable dont sont victimes des personnes particulièrement vulnérables en raison de leur appartenance à un groupe défini par une caractéristique particulière (le sexe, la race ou l’origine ethnique, le handicap, l’orientation sexuelle…). C’est l’optique du Code pénal français, celle du Code du travail, ou encore celle de l’article 13 du Traité d’Amsterdam.
Les conventions internationales, selon les cas, prohibent seulement ces formes-ci de discrimination, ou au contraire énoncent un principe général d’égalité par rapport auquel toute atteinte au principe d’égalité sera considérée comme discriminatoire.
L’enjeu n’est pas indifférent : par exemple, l’accès à la fonction publique est régi par une conception extensive du principe d’égalité, tandis que l’accès à l’emploi privé est régi par une conception restrictive. L’employeur est libre d’utiliser les critères de recrutement qu’il veut, du moment qu’ils ne tombent pas sous le coup du Code du travail ou du Code pénal, tandis que l’administration doit respecter globalement le principe d’égalité.
La différence de traitement injustifiée. Du principe d’égalité au principe de non-discrimination
On se rappelle la formule de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Mais cette idée est de moins en moins vraie. La législation des pays développés, des sociétés complexes, a tendance à tenir compte de la diversité, à multiplier les catégories juridiques, à diversifier les règles applicables pour saisir non plus des sujets de droit abstraits et identiques mais les membres de groupes concrets et différents les uns des autres. Mais dès lors qu’on quitte le terrain de l’égalité juridique concrétisée dans la généralité de la règle, le principe d’égalité se transforme : toute distinction n’est plus incompatible avec le principe d’égalité, elle ne l’est que si elle n’est pas justifiée, que si elle est arbitraire.
Comment, dans cet enchevêtrement de régimes juridiques, de distinctions, déterminer où finit la différence de traitement normale et légitime, et où commence la discrimination injustifiée ?
La réponse est donnée par le juge, lorsqu’il a à statuer sur la compatibilité d’une loi ou d’un règlement avec le principe d’égalité. Sa réponse est la suivante : une différence de traitement n’est pas constitutive d’une discrimination et ne viole pas le principe d’égalité si elle correspond à une différence de situation ou si elle est justifiée par un intérêt général en rapport avec l’objet de la loi, de la réglementation ou du service public en cause.
Il reste que l’existence d’une différence de situation n’est pas toujours aisée à appréhender et fait l’objet d’une appréciation assez largement subjective (ainsi, le lieu de résidence, la nationalité, le nombre de salariés seront considérés dans certains cas comme constitutifs d’une différence de situation, dans d’autres cas non) et que la référence à l’intérêt général donne elle aussi des résultats assez aléatoires.
La prohibition des discriminations : sources et modalités
Les conventions internationales
Il existe un nombre très important de conventions internationales qui prohibent la discrimination, au point que le principe de non-discrimination apparaît comme un principe fondamental du droit international des droits de l’Homme.
Beaucoup énoncent un principe général de non-discrimination dans la jouissance des droits reconnus, sur le modèle de la Déclaration universelle de 1948 : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de tout autre situation ». De la même façon, le Pacte international sur les droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l’Homme proclament un principe général de non-discrimination, en énumérant de façon à la fois très détaillée et non limitative les critères de distinction illégitimes et en prévoyant que ce principe doit trouver application au moins pour l’ensemble des droits et libertés que ces conventions reconnaissent.
Le Pacte va plus loin, en ce qu’il fait du droit à l’égalité un droit substantiel : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race (etc.) » (art. 26).
D’autres conventions ont un champ d’application moins étendu :
- soit qu’elles énoncent un principe de non-discrimination général en ce qui concerne les catégories de personnes susceptibles d’en bénéficier, mais spécifique quant au domaine couvert (telles la convention n° 111 de l’oit de 1958 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, ou la convention adoptée sous l’égide de l’unesco en 1960, relative à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement) ;
- soit à l’inverse qu’elles visent à protéger spécialement une catégorie de personnes, mais dans tous les domaines (telles la convention de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ou celle de 1980 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes).
Quelle est, dans ce contexte, la définition de la discrimination ? Il faut distinguer selon les hypothèses.
Dans l’hypothèse où la convention se borne à énoncer le principe d’une jouissance égale des droits fondamentaux, le principe d’égalité est là encore converti en principe de non-discrimination. Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, seules sont discriminatoires les différences de traitement qui manquent de justification objective et raisonnable. L’existence d’une pareille justification s’apprécie « par rapport au but et aux effets de la mesure considérée, eu égard aux principes qui prévalent généralement dans les sociétés démocratiques ». Le but doit être un but légitime, c’est-à-dire étranger à toute volonté de discrimination ; il faut qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, par exemple, l’affaire linguistique belge, en ce qui concerne la discrimination qu’engendre, pour les enfants francophones, l’impossibilité d’accéder à des écoles françaises, 1968, ou l’affaire Marcks, 1979, à propos des discriminations entre mères célibataires et mariées, et enfants légitimes ou naturels).
Dans l’hypothèse où la convention vise directement à prohiber la discrimination, on y trouve alors une définition de celle-ci, dans des termes plus ou moins analogues. « Le terme “discrimination” comprend toute distinction, exclusion, ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession » (Convention n° 111 de l’oit). « Aux fins de la présente convention, le terme “discrimination” comprend toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, a pour objet de détruire ou d’altérer l’égalité de traitement en matière d’enseignement » (Convention de l’unesco concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement). « L’expression “discrimination raciale” vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique » (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale). « L’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe, qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine » (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes).
On constate ainsi que la distinction ou la différence de traitement n’est pas constitutive à elle seule d’une discrimination : il faut encore prendre en considération son objet ou ses effets.
Le Code pénal et le Code du travail
Dans sa rédaction antérieure à la réforme de 1992, le Code pénal ne comportait pas de définition de la discrimination. L’article 416 disait simplement que serait punie toute personne ayant refusé de fournir un bien ou un service en raison de l’origine de celui qui le requiert, de son sexe, etc. ou qui aura refusé d’embaucher ou aura licencié une personne en raison de son origine, de son sexe, etc.
Désormais, l’article 225-1 définit la discrimination en ces termes : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patrimoine, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (l’énumération a été complétée par les lois du 16 novembre 2001 sur la lutte contre les discriminations et du 4 mars 2002 sur les droits des malades).
L’article 225-2 poursuit en énonçant que la discrimination ainsi définie est punie d’emprisonnement lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice normal d’une activité économique, à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service ou une offre d’emploi à une condition fondée sur l’un des éléments visés.
On constate ainsi que l’incrimination est plus restrictive que la définition, autrement dit que seuls certains types de comportements discriminatoires tombent sous le coup de la loi pénale.
L’article 432-7 punit de son côté la discrimination commise par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public lorsqu’elle aura consisté (là encore, toute discrimination n’est pas pénalement sanctionnée) à refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi ou à entraver l’exercice normal d’une activité économique.
Dans le Code du travail, la discrimination n’est pas définie. L’article L. 122-45, qui figure dans une section intitulée « discriminations », dit simplement que : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé ou de son handicap ».
L’apport du droit communautaire
Dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes élaborée à propos de la discrimination fondée sur le sexe ou sur la nationalité, et pour l’application de l’article 13 du Traité instituant la Communauté européenne dans sa rédaction issue du Traité d’Amsterdam, deux directives ont été adoptées en 2000 dans le champ de la lutte contre la discrimination.
La directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique définit, dans son article 2, le concept de discrimination :
- une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;
- une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes.
La directive du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, de son côté, définit la discrimination en ces termes :
- une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er [religion ou convictions, handicap, âge ou orientation sexuelle] ;
- une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour les personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes [à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime].
L’enjeu de ces définitions n’est pas seulement théorique : la façon de définir les discriminations a forcément un impact sur les modalités de la lutte contre ces discriminations. Un premier type d’action vise à assurer l’égalité face à la loi en supprimant les différences de statut qui subsistent dans la législation et qui frappent les membres de groupes défavorisés ou minoritaires. Il s’agit d’abord des différences de traitement inscrites dans la loi, même si celles-ci sont de plus en plus rares. Les discriminations visant les femmes ont été progressivement supprimées au fur et à mesure des réformes du Code civil et du Code du travail. Il reste encore à faire disparaître les discriminations résultant de la condition de nationalité pour l’accès à certains droits et à beaucoup de professions, dès lors qu’elles ne répondent pas à la condition rappelée plus haut : les différences de traitement ne sont légitimes que si elles sont fondées sur des différences de situation ; or la nationalité n’est pas à elle seule constitutive d’une différence de situation en dehors du champ politique et du droit au séjour.
Il faut aussi s’efforcer de faire disparaître les discriminations indirectes qui résultent de l’application uniforme de la même règle à tous. En effet, l’application uniforme d’un même régime juridique peut produire des effets discriminatoires, en ce qu’elle aboutit soit à entériner des inégalités de fait, soit à placer certains individus, en raison de leur appartenance à un groupe minoritaire, dans l’impossibilité d’exercer effectivement des droits théoriquement reconnus à tous (subordonner le mariage à la différence de sexe des conjoints interdit aux couples homosexuels de se marier et de profiter des avantages qui en découlent ; l’interdiction des subventions publiques pour la construction des lieux de culte défavorise l’islam par rapport aux autres religions, etc.).
Une autre forme de lutte, qui a été initiée en France par la loi de 1972 contre le racisme, dont le champ d’application a été progressivement étendu à d’autres formes de discriminations, consiste à prohiber et réprimer les comportements discriminatoires (voir supra). Les mêmes prohibitions sont édictées par le Code du travail, donnant lieu à des sanctions civiles ; et, dans ce domaine, après avoir prohibé les comportements inspirés par une intention discriminatoire, on doit désormais, dans le sillage de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, débusquer aussi les mesures qui, apparemment neutres, ont des effets discriminatoires, autrement dit les discriminations indirectes.
On peut enfin avoir recours à des actions positives. On désigne sous ce terme toute mesure préférentielle qui, dans le cadre d’une politique volontariste visant à réduire les inégalités de fait, va favoriser une catégorie de personnes, au détriment direct ou indirect d’une autre, en vue de compenser les désavantages attachés à sa situation. Les actions ou discriminations positives, parce qu’elles rompent avec l’égalité formelle, mais aussi parce qu’elles comportent le risque d’enfermer les personnes qu’elles visent à protéger dans une identité de groupe, sont considérées avec une certaine méfiance et sont en tout état de cause délicates à mettre en œuvre. Elles sont néanmoins le seul moyen qui permette d’endiguer les formes de discrimination « systémiques », qui ne peuvent être combattues efficacement par le seul bais de la règle juridique, même appuyée sur la sanction juridictionnelle. Elles ne résultent pas, en effet, du comportement d’un ou de plusieurs acteurs identifiables mais de la combinaison de facteurs qui procèdent d’un contexte ou de représentations pénalisant telle ou telle catégorie de personnes, même en l’absence d’intention clairement discriminatoire.
cairn.info La notion de discrimination Danièle Lochak Dans Confluences Méditerranée 2004/1 (N° 48), pages 13 à 23