Assistance (politique d')
"La multiplication, depuis les années 1970, des allocations sous condition de ressources et l'importance prise par les minima sociaux depuis les années 1980 animent depuis plusieurs années un débat sur l'évolution de la protection sociale en France : nouvelles formes de solidarité républicaine face à de nouveaux phénomènes de pauvreté ou processus pervers de salarisation de l'exclusion?
Modernisation indispensable de la Sécurité sociale ou retour sournois à un esprit d'assistance?...
En retraçant l'histoire des politiques publiques d'assistance en France depuis la IIIe République, Colette Bec a voulu mettre à jour tant la permanence de la politique assistantielle, liée à son rôle fondamental dans le projet républicain, que ses transformations, déterminées par les aléas du contrat social. On assisterait aujourd'hui moins à un retour de la logique assistantielle qu'à une perversion fondamentale de sa signification politique. L'auteur distingue trois périodes dans cette histoire de l'assistance.
Rompant avec un simple devoir moral de charité, la IIIe République impose, à la toute fin du XIXe siècle, la notion d'assistance obligatoire, qui confère des
droits sociaux à ses bénéficiaires. L'assistance républicaine s'inscrit dans un projet politique ambitieux qui vise à aboutir à une plus grande égalité entre les citoyens, en apportant une sécurité minimale y compris à ceux qui ne peuvent accéder aux systèmes assurantiels.
Les auteurs du plan de Sécurité sociale considéraient les politiques assistantielles comme uns survivance du passé que l'universalisation du système assurantiel devait rapidement rendre caduque. Paradoxalement, ils ont donné à l'assistance un second souffle. Très vite, en effet, éclate la contradiction entre un système fondé sur une logique professionnelle, qui accentue donc les différences entre les groupes sociaux, et la volonté proclamée de bâtir un système universel et égalitaire.
L'assistance, rebaptisée aide sociale et doublée de l'action sociale, assure donc une fonction essentielle pour que soit maintenu le cap de l'intégration de tous les citoyens à la société de production et de consommation, au travers d'une gestion beaucoup plus uniforme et centralisée à partir de la réforme de 1953.
Le troisième temps de ce parcours historique débute avec les années 1970, lorsque, toujours selon Colette Bec, commence à triompher l'esprit libéral. L'idéal égalitaire républicain aurait alors laissé la place à une «philosophie des droits de l'homme», uniquement préoccupée d'accorder un revenu de subsistance à un nombre croissant d'exclus du travail. La volonté proclamée de faire du RMI un instrument d'insertion ne peut être qu'un leurre sous le règne d'une l'idéologie libérale qui sévit à droite comme à gauche et laisse libre cours à la «domination de la loi économique».
Au sein du système de protection sociale, la logique assistancielle, dans une inflation de mesures sociales éparpillées, prend le pas sur la logique assurantielle, au lieu d'en être le complément, incarnant ainsi le renoncement politique à une société de plein emploi et minant la cohésion sociale.
À lire Colette Bec, l'intégration de tous ou du plus grand nombre au monde du travail ou le maintien dans l'exclusion relèvent donc de décisions purement politiques, opposant démocratie et libéralisme sans que soient jamais vraiment expliquées, autrement que par des choix idéologiques, les causes de la fin de la société de plein emploi ni les méthodes concrètes pour y revenir.
D'autre part, l'absence de tentative pour évaluer réellement le caractère redistributif et intégrateur des politiques sociales du passé affaiblit la portée de l'attachement de l'auteur au modèle de protection sociale des Trente Glorieuses.
N. M.
persee.fr Bec Colette, L'assistance en démocratie, les politiques assistantielles dans la France des XIXe et XXe siècles, Paris, Belin (Socio-histoires), 1998, 254 p.
Les politiques d’assistance : de l’intégration à la relégation Colette BEC Revue de l'IRES n° 30 - 1999/2