Passage à l'acte

"Le passage à l’acte (conduite impulsive et violente) est théorisé selon quatre conceptions principales. La conception française, dans une référence à l’hérédité et à la dégénérescence, met en avant les notions de déséquilibration mentale et de perversion constitutionnelle. La conception allemande désigne d’un côté le champ des schizophrénies et de l’autre celui des personnalités psychopathiques...

La conception anglo-saxonne, axée sur la dimension psychosociale, ouvre la perspective de la sociopathie et celle des borderlines (terme le plus souvent traduit par états limites). Cette dernière notion nourrira les développements autour de la notion d’états-limites (Raoult, 2002b), avant que la thématique de l’acte couvre trois catégories : les adolescents, les agresseurs sexuels et les tueurs en série.

La psychanalyse, enfin, questionne principalement l’acting out (mise en acte hors de la cure des motions pulsionnelles éveillées par celle-ci en lieu et place d’une remémoration) (Laplanche, Pontalis, 1967) avant le renouvellement de la compréhension du concept par Lacan lors de son séminaire de 1967 sur l’acte psychanalytique. Ces diverses approches désignent les significations multiples qui viennent recouvrir la notion d’acte lui donnant une certaine opacité. Elle invite à revisiter cette notion, du moins dans son orientation en psychopathologie psychanalytique...

La psychiatrie a saisi très tôt la question du passage à l’acte, en particulier dans sa modalité médicolégale. De la monomanie instinctive, homicide en particulier, d’Esquirol dans lequel l’acte est hors raison, involontaire, impulsif, à la dégénérescence de Morel (1857), en particulier dans la reprise de Magnan avec la notion de déséquilibration mentale, se dessine la figure d’un être soumis à la violence interne de ses instincts...
Bergeret (1998), à la suite de Marty, distingue trois registres de l’expression : mentale, comportementale et somatisée. Le registre de l’expression comportementale est une position régressive visant à combler les lacunes de l’expression mentale.
Le passage à l’acte se révèle un signe de détérioration de l’expression normale du fonctionnement mental : « le passage à l’acte est destiné à atteindre l’autre sans avoir à dévoiler (ni à se dévoiler à soi-même) les pensées profondes qu’on peut avoir ». C’est dans un sens proche que Millaud (1998) précise le passage à l’acte comme une rupture de la chaîne logique entre parole et action, acte dans lequel le sujet ne se reconnaît pas. Mazet (1989) fait du passage à l’acte un court-circuit de la représentation par décharge motrice, offrant en compensation un sentiment de toute puissance avec un surinvestissement du corps. Pour lui, il y a réactualisation de conflits internes dans une compulsion de répétition...

La diversité des théorisations relatives au passage à l’acte renvoie tant à l’évolution des préoccupations cliniques qu’à l’objet concerné. Un travail de synthèse se révèle délicat en raison des proximités et des voisinages constants entre ces théorisations. Elles soulignent cependant en quoi on ne peut se contenter d’être dans la description des actes observés mais que l’on doit analyser les processus en œuvre qui puissent qualifier la nature même des actes...
Balier introduit la notion de recours au passage à l’acte, concédant d’une part à une dimension impulsive de décharge en lieu et place d’une élaboration psychique, d’autre part à un aspect processuel par lequel se signifie une souffrance..."

Patrick-Ange Raoult  Clinique et psychopathologie du passage à l'acte

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