Attachement (théorie)
"La thèse, maintenant classique, développée par John Bowlby en 1958, lors de sa première formulation de la théorie de l’attachement, est que l’attachement du bébé à sa figure d’attachement a pour base un équipement comportemental constitué par un nombre déterminé de « réponses instinctives »...
... qui l’orientent vers la figure d’attachement.
Bowlby a identifié cinq de ces réponses, qui apportent une contribution spécifique au développement de l’attachement de l’enfant : sucer, attraper, suivre (comportements de proximité ), pleurer et sourire (comportements de signalisation). Ces comportements deviennent intégrés et dirigés vers la figure d’attachement au long de la première année de vie, donnant lieu à ce qu’il a désigné comme les comportements d’attachement. En 1969, Bowlby présente une version reformulée de sa thèse initiale, en reconnaissant que des formes plus élaborées de comportements d’attachement peuvent s’organiser dans un système comportemental d’attachement (Soares, 1996).
Le comportement d’attachement, dans ce sens, est conçu comme une forme de comportement, simple ou organisé, qui aboutit à la recherche ou au maintien de la proximité à un individu différencié et préféré. Lorsque cette figure d’attachement paraît disponible, le comportement peut se limiter à une vérification visuelle ou auditive dirigée vers cette figure, et à un échange occasionnel de regards. Cependant, dans certaines circonstances, l’enfant peut s’adonner à la recherche de la figure d’attachement, ou chercher à l’attraper, de façons à éliciter chez elle un comportement de soins (c.-à-d. : careseeking role). Le comportement symétrique du comportement d’attachement, avec une fonction complémentaire de protéger l’individu attaché, est celui de prodiguer les soins (c.-à-d. : caregiving role). Tel est le rôle du caregiver ou d’un autre adulte ; il est dirigé vers un enfant ou un adolescent, mais il peut aussi être mis en évidence chez un adulte ; vis-à-vis d’un autre adulte, spécialement en temps de maladie, de stress, ou d’âge avancé (Bowlby, 1980 ; Ainsworth, 1985). Durant l’enfance, la proximité physique et la disponibilité émotionnelle du caregiver sont des facteurs critiques de la qualité du caregiving. De la deuxième enfance à la vie adulte, le fait de savoir que le caregiver est potentiellement disponible devient progressivement aussi efficace que la proximité.
L’attachement se réfère au lien émotionnel spécifique que le bébé développe avec son caregiver pendant la première année de sa vie (Bowlby, 1969/1982 ; 1988). Il se distingue aussi du lien que le caregiver a avec l’enfant et aux processus de liaison qui sont associés aux premières heures de la vie (c.-à-d. : bonding). L’attachement se réfère à la relation qui émerge au fil du temps à partir d’une histoire d’interactions de caregiving (Sroufe et Waters 1977). Cette relation peut ne pas être présente dans les premières semaines de vie, vu les limitations du bébé dans la compréhension de soi et des autres. Au contraire, à mesure que les adultes interagissent et s’occupent du bébé pendant la première année de la vie, l’enfant organise son comportement autour de ce caregiver.
Le long développement de l’attachement de l’enfant envers sa figure d’attachement est une adaptation évolutive essentielle de l’espèce humaine, dans la mesure où les humains, comme les autres primates, naissent vulnérables, mais le restent durant plusieurs années (Hrdy, 2000). A la lumière d’une perspective phylogénétique, il a été proposé que le système d’attachement ait évolué pour garantir que les petits enfants et les donneurs de soins soient en proximité physique, de façons à assurer la protection des plus jeunes. La figure d’attachement fonctionne, en principe, comme un havre de sécurité, une source de réconfort et de protection dans un contexte d’activation physiologique ou de menace environnementale, et comme base de sécurité pour l’exploration Bowlby, 1969/ 1982 ; Ainsworth, 1969 ; Ainsworth, Blehar, Waters, et Wall, 1978). Ainsi, dans cette perspective, tous les enfants ont tendance à établir des liens avec des adultes qui s’occupent d’eux et qui leurs sont proches, indépendamment du type de traitement qu’ils reçoivent (Bowlby, 1969/1982 ; Sroufe, 1986). Les études éthologiques et humaines suggèrent que l’attachement se développe même dans un contexte de mauvais traitements et de punitions sévères (Ainsworth, 1967 ; Belsky et Nezworsky, 1988 ; Carlson, Cicchetti, Burnett, et al., 1989 ; Crittenden, 1981 ; Egelend et Sroufe, 1981 ; Harlow et Harlow, 1965). Dans ces circonstances, c’est la qualité de cette relation d’attachement qui est en cause, et pas sa présence ou son intensité (Sroufe et Waters, 1977 ; Ainsworth, 1972).
Les enfants développent d’abord des relations d’attachement avec une figure d’attachement primaire, figure qui s’insère dans son contexte de caregiving (Bowlby, 1969/1982 ; Ainsworth, 1972 ; Rutter, 1981) ; les jeunes enfants peuvent ensuite établir une hiérarchie de ces figures d’attachement, quand il existe plusieurs personnes s’occupant du bébé. Les bébés montrent des comportements d’attachement (p. ex. : pleurer, s’approcher) et obtiennent de la sécurité à partir de figures d’attachement secondaires quand les figures primaires ne sont pas disponibles (Harlow, 1963). Cependant, en réponse à un stress important, leur préférence devient claire, avec la nécessité d’une plus grande proximité avec la figure d’attachement primaire. Une fois établi, ce type de relation préférentielle avec la principale figure d’attachement a tendance à se maintenir, et un changement de comportement d’attachement vers une nouvelle personne ou un étranger devient plus difficile. Dans un réseau de personnes s’occupant de l’enfant (mère, père, grand-père), la qualité de l’attachement est spécifique de la relation en cause, et se construit au travers des interactions avec chacune de ces personnes (Easterbrooks, 1989).
La disponibilité de la figure d’attachement s’accompagne du développement d’une expérience par l’enfant d’une sécurité de l’attachement : l’expérience de la sécurité est associée à une perception de la figure d’attachement comme disponible, et l’anxiété ou l’insécurité est associée à la perception d’une menace face à cette disponibilité."
La théorie de l'attachement : son importance dans un contexte pédiatrique Susana Tereno, Isabel Soares, Eva Martins, Daniel Sampaio, Ellizabeth Carlson
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