Inclusion

"Le terme « inclusion » est de plus en plus utilisé dans les médias, par les politiques, et s’inscrit dans le milieu associatif et le travail social. Il est vu comme annonciateur d’une évolution des valeurs et des pratiques, voire d’un changement de paradigme social... Mais la notion d’inclusion est rarement utilisée seule. Elle comporte de multiples déclinaisons aux plans économique, social, culturel, citoyen et professionnel. Aussi d’aucuns s’interrogent : n’assiste-t-on pas à l’idéologie de l’inclusion ? L’inclusion, constamment évoquée, n’est-elle pas employée parfois de manière dévoyée ou abusive ?

Ce mot soulève effectivement des questions d’ordre scientifique, politique, social, éthique. Quel est le sens, la pertinence, la légitimité de cette nouvelle appellation ? Que penser de son utilisation de plus en plus fréquente dans l’action sociale ? Comment la positionner au regard des deux autres concepts primordiaux que sont l’intégration ou l’insertion ?
Avant de cerner ces questions dans ce numéro, il est intéressant de voir la conception et l’évolution du terme « inclusion ».

L’inclusion, un concept en évolution : 

En français, le mot « inclusion » signifie « état de quelque chose qui est inclus dans un tout, un ensemble ». Alain Rey : Ce terme  vient du latin inclusio : emprisonnement. Après une longue absence d’usage, il est repris au xixe siècle au sens d’insérer, c’est-à-dire de « faire entrer un élément dans un ensemble ». Le terme « inclusion » comporte ainsi deux aspects, l’inclusion ségrégative et l’inclusion intégrative (L’inclusion ségrégative est une dynamique qui cloisonne, alors…). Toutefois, l’emploi actuel de ce mot est dans un sens très positif, évoquant une finalité. Il est lié aux processus d’insertion sociale et d’intégration économique, et à la recherche de participation sociale, culturelle et civique des personnes et groupes sociaux.
Ce terme n’a pas exactement la même signification dans les différents pays, il revêt parfois plusieurs acceptions.

En Allemagne, la notion d’inclusion sociale a été utilisée par le sociologue Niklas Luhmann (1927-1998) pour caractériser les rapports entre les individus et les systèmes sociaux. Il analyse les différentes conditions d’inclusion/exclusion au sein des systèmes et des organisations. Au Canada, « L’inclusion sociale consiste à faire en sorte que tous les enfants et adultes aient les moyens de participer en tant que membres valorisés, respectés et contribuant à leur communauté et à la société - Laidlaw Foundation, Toronto (Canada). ». Cinq pierres angulaires ont été identifiées : la reconnaissance valorisée, les opportunités de développement humain, l’implication et l’engagement, la proximité, le bien-être matériel. Ce terme est beaucoup employé. Par exemple, le Nouveau-Brunswick a créé la Société d’inclusion économique et sociale afin d’élaborer, superviser, coordonner et instaurer des initiatives pour réduire la pauvreté et aider à l’autonomie.

On le voit, la notion d’inclusion ne relève pas uniquement d’une approche sémantique. L’inclusion est un terme élaboré par les organismes internationaux avec une visée éducative. « Elle est une question de respect des droits de l’homme, qui touche prioritairement les orientations de politique générale d’un pays. […] Elle est donc indissociable de la manière dont on conçoit le type de société et de bien-être que l’on souhaite et de la manière dont on envisage le “vivre ensemble” […] Tendre vers une société inclusive constitue le fondement même du développement social durable… » Le journal Le Monde parle de « Société inclusive : un “projet” politique universel ». Le mot « inclusion » est repris dans chaque domaine social.

La politique européenne d’inclusion sociale :

... dorénavant, selon la Commission européenne, « l’inclusion sociale est un processus qui permet aux personnes en danger de pauvreté et d’exclusion sociale de participer à la vie économique, sociale et culturelle, et de jouir d’un niveau de vie décent. Ces personnes doivent être impliquées dans les prises de décision qui affectent leur vie et bénéficier d’un meilleur accès à leurs droits fondamentaux ». Quant à la Charte des droits fondamentaux de la Commission européenne, elle définit l’inclusion sociale comme un « processus qui garantit que les personnes en danger de pauvreté et d’exclusion obtiennent les possibilités et les ressources nécessaires pour participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle, et qu’elles jouissent d’un niveau de vie et de bien-être considéré comme normal pour la société dans laquelle elles vivent. L’inclusion sociale leur garantit une meilleure participation aux processus de prise de décision qui affectent leur vie et un meilleur accès à leurs droits fondamentaux ».

Deux documents très intéressants du Think tank européen, l’un intitulé Cohésion et inclusion sociale, les concepts, l’autre intitulé Cohésion sociale et inclusion sociale, stipulent que l’inclusion est à la fois stratégique et transversale. Elle est caractérisée par « l’inclusion active » qui consiste à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en intégrant au marché du travail les citoyens qui en sont le plus éloignés, et par « l’inclusion des groupes vulnérables » qui vise à les protéger de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Car, mentionnent-ils : « L’inclusion ne se résume pas à des processus d’insertion professionnelle et d’intégration économique, elle consiste aussi en une participation sociale, culturelle et civique à la société. »

Considérée par l’Europe comme le contraire de l’exclusion, l’inclusion sociale est donc le corollaire de la citoyenneté et concerne tous les secteurs de la société. « Notre horizon doit être l’ambition commune d’une société inclusive », comme l’écrit Thierry Tuot dans son rapport au Premier ministre.

La conception française d’inclusion sociale :

... Qu’en est-il dans l’action sociale et le travail social ? Le terme « inclusion » n’a quasiment jamais été nommé. Il était considéré comme un référentiel d’action publique. Cependant, deux secteurs touchant l’action sociale l’utilisaient : celui du handicap et celui de l’éducation. D’une part, concernant le handicap, l’inclusion est caractérisée par la recherche des potentialités et des besoins des personnes et vise l’adaptation de l’environnement et la participation des différents acteurs. D’autre part, concernant l’éducation, « l’éducation inclusive » recherche le passage d’un système d’éducation intégrative à un système inclusif.

Mais de façon générale, dans l’action sociale, l’extension du terme « inclusion » a été faite au début plus par souci de montrer une ouverture que par intérêt pour le terme lui-même. Par exemple, une revue sociale a donné à un de ses numéros le titre L’inclusion sociale en pratique. Intervention sociale et jeunes marginalisés en Europe, mais ne reprend pas une seule fois le mot « inclusion » dans le texte, l’auteure mentionnant qu’elle considère que l’insertion sociale est équivalente de l’inclusion sociale.

Cependant, la réflexion continue, même si, pour certains, « insertion, intégration, inclusion » sont des termes considérés comme identiques, alors que pour d’autres, cela signifie une évolution des notions partant de l’insertion à l’intégration, puis allant de l’intégration à l’inclusion.

L’inclusion interpelle : « Évolution ou révolution ? », « Voie d’avenir ou voie de garage ? » ont été et restent les interrogations du travail social. [...]

Conclusion :

Ce rappel sur la construction du concept de l’inclusion, son évolution et son extension, montre que l’inclusion est non seulement une politique mais est perçue aussi comme une valeur, comme une éthique prônant la justice sociale et la cohésion de la communauté. Ces deux citations en témoignent :

« Construire une société inclusive est un effort partagé […] ; c’est un horizon commun d’effacement des divisions, non un effort asymétrique où certains ont les droits et d’autres les devoirs ; c’est une politique publique et un mouvement de transformation sociale, non une prestation qu’on condescend à verser à certains aux dépens d’autres ; c’est une élévation collective de nos richesses et de nos conditions de vie, non une aide accordée à des tiers », Thierry Tuot, « La grande nation pour une société inclusive…. »
« Une société inclusive n’est pas une utopie […] L’inclusion doit être appréhendée, en dehors de toute logique budgétaire à court terme, comme un investissement durable, source d’humanité mais aussi de richesses pour la société tout entière « Une société inclusive n’est pas une utopie », Le Monde des idées, 7 octobre 2011... »

Reste à voir si l’inclusion ainsi caractérisée est acceptée, comprise et mise en œuvre dans les pratiques."

Brigitte Bouquet L’inclusion : approche socio-sémantique

 

 

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