Syndrome de Diogène

[...] "Ce syndrome a été évoqué en 1966 par MacMillan et Shaw sous l’appellation tantôt de « décompensation sociale », tantôt de « décompensation sénile ». Le terme de syndrome de Diogène a été employé pour la première fois en 1975 par Clark et al., en référence au philosophe grec Diogène de Sinope (413-327 avant J.-C.) Il était le chef de file des cyniques et disciple de Socrate. Il aurait vécu seul et incurique dans un tonneau, méprisant les conventions sociales et exprimant son dédain pour l’humanité.

L’intérêt du syndrome de Diogène a été d’attirer l’attention sur des situations médicosociales très particulières. Cependant, le terme a pu être critiqué car Diogène vivait dans la rue avec pour principe de ne rien posséder, tout en mendiant et en acceptant les aides proposées...

Une première description semble avoir été effectuée par Ernest Dupré, psychiatre français, qui s’interroge sur le collectionnisme, mais aussi l’association de la misère et de la richesse dans sa publication « Les mendiants thésauriseurs » dans le Paris médical de juin 1913, reproduite dans son livre de 1925, Pathologie de l’imagination et de l’émotivité [...].

Le syndrome de Diogène est caractérisé par :

  • une relation aux objets inhabituelle : syllogomanie (accumulation d’objets hétéroclites) conduisant à un manque de salubrité du domicile (squalor) ou, plus rarement, une austérité monacale faite d’une absence totale d’objets ;
  • une relation aux autres inhabituelle à type d’auto-exclusion, avec pour conséquence un isolement social (social breakdown) ;
  • une relation au corps inhabituelle : négligence extrême de l’hygiène corporelle et vestimentaire ;
  • un déni des troubles ;
  • une absence de honte ;
  • un refus de toute aide, vécue comme intrusive : « Ces personnes ne demandent rien alors que ce sont elles qui auraient besoin de tout ».
Le diagnostic est clinique et repose sur la visite de l’habitat, qui est une étape capitale.

Hanon décrive deux types de syndrome de Diogène :

  • le syndrome de Diogène « actif » : les patients entassent dedans ce qu’ils récoltent dehors et remplissent leur intérieur pour combler le vide d’une existence qui se dégrade et qui perd son attrait narcissique ;
  • le syndrome de Diogène « passif » : les patients se font envahir passivement par leurs déchets et se laissent déborder par les accumulations qui s’entassent.

Quelques données sociodémographiques

Il s’agit d’un trouble assez rare dans sa forme typique.

MacMillan et Shaw estiment sa fréquence à cinq cas pour 10 000 habitants âgés de plus de 60 ans.

Dans une étude descriptive de 2010, Monfort estime sa fréquence à 1,6 cas pour 10 000 habitants de plus de 50 ans. Les personnes sont majoritairement âgées de plus de 60 ans. L’âge moyen chez les hommes est de 79 ans. L’âge moyen chez les femmes est de 77 ans. Cependant, des cas ont été décrits chez des patients plus jeunes. Halliday et al. décrivent dans une étude de 81 cas : 51 % chez les plus de 65 ans, 37 % entre 64 et 45 ans, 13 % entre 44 et 18 ans.

Le sex-ratio laisse apparaître une prédominance féminine. Le patient vit le plus souvent seul à domicile (dans 75 % des cas). Toutes les catégories sociales sont concernées : ce n’est pas un problème financier qui influence la genèse ou l’évolution du syndrome de Diogène. La quasi-totalité des études a été réalisée en milieu urbain. [...]

Maladies associées au syndrome de Diogène

On retrouve dans la littérature des estimations variables quant aux relations avec des troubles psychiatriques. Pour Cooney et Hamid, la moitié des patients présentant un syndrome de Diogène souffre d’une pathologie psychiatrique. L’étude plus récente de Halliday et al. recense 80 % de troubles psychiatriques.

Parmi les troubles les plus souvent cités, on trouve :

  • la démence : la démence frontotemporale semble particulièrement associée au syndrome de Diogène. Par extension, Thomas, psychogériatre français, émet l’hypothèse que le syndrome de Diogène pourrait s’associer à toute cause d’hypofrontalité, notamment le trouble déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) ;
  • les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) : certains auteurs considèrent la syllogomanie comme une activité compulsive (les rapprochant des TOC), ce qui a été contesté par d’autres auteurs : les patients souffrant de TOC ressentent de la culpabilité, ce qui n’est, par définition, pas le cas dans le syndrome de Diogène ;
  • les troubles de l’humeur : avec en premier lieu la dépression (tristesse, anhédonie, repli sur soi…). Le logement est alors à l’image du patient, souffrant d’une auto-négligence. À l’opposé, dans l’épisode maniaque ou hypomaniaque, Fond et al. ont décrit le cas d’un syndrome de Diogène chez une patiente souffrant d’hypomanie chronique : les symptômes de faible insight, de désinvolture et d’euphorie peuvent amener à une négligence de l’hygiène ;
  • l’alcoolisme : semble davantage un facteur aggravant ;
  • les psychoses : notamment les schizophrénies et les psychoses paranoïaques.
À travers le cas clinique présenté, nous allons nous intéresser au syndrome de Diogène dans le cadre d’une psychose délirante chronique. Le cas le plus célèbre concerne Camille Claudel, qui a développé vers l’âge de 40 ans, un délire à thème de persécution. La maladie l’a conduite à s’isoler et vivre dans des conditions d’extrême négligence au plan de l’hygiène et de l’habitat….

Les données de la littérature montrent un taux significatif de psychoses chez les patients atteints de syndrome de Diogène allant de 30 à 40 %. MacMillan et Shaw ont retrouvé sur leur population de 72 sujets, présentant un syndrome de Diogène, 38 patients psychotiques. Les cas de syndrome de Diogène rapportés par Halliday et al. chez des sujets jeunes ont été tous diagnostiqués schizophrènes.

Selon Védie et al., les syndromes de Diogène chez des sujets jeunes seraient le témoignage d’une psychose avérée ou d’une suppléance qui fait tenir une personnalité psychotique.

Le lien entre syndrome de Diogène et psychose paraît donc important, mais il ne semble exister à ce jour que peu de cas publiés à ce sujet."

Réflexions autour d'un cas clinique de syndrome de Diogène et ses liens avec la psychose

L'incurie et le syndrome de Diogène :
syndrome-diogene.fr/incurie

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